Article de l'éminent entomologiste tchèque Syn Civodulowski.
Le "faux-bourdon qui se prenait pour une reine" ou « Du syndrome
de celui qui voulait triompher sans péril et donc aussi sans gloire ».
Le Maître des Collines est une abeille au sexe ambigu.
Rappelons qu’existent chez ces hyménoptères trois types
d’individus : les reines, les ouvrières et les faux-bourdons.
Seuls les faux-bourdons sont de sexe mâle ; les reines et les
ouvrières sont quant à elles de sexe femelle. Ce sont ces
dernières qui forment le noyau de la ruche, chaque ruche étant par
ailleurs identifiable à la présence d’une reine unique. Une fois
fécondée par les faux-bourdons, la reine assure la reproduction de
l’espèce. Quant aux ouvrières, elles sont à son service de même
qu'à celui de l’ensemble de la ruche. Ce sont elles qui produisent
la gelée royale, cette substance nutritive exclusivement réservée
à la sustentation de la reine, de même que le miel destiné à
l’alimentation des jeunes larves.
L’entourage de Demotte est une ruche. Toutes les abeilles,
ouvrières ou faux-bourdons, s’affairent autour de lui, les
premières secrétant la savoureuse gelée royale nécessaire à son
développement, les seconds vibrionnant à ses côtés dans l’espoir
de pouvoir le féconder de leurs idées polliniques et insignifiantes.
Le problème, c’est que Demotte n’est pas une reine, mais un
faux-bourdon qui s’ignore, … qui s’ignore d’autant mieux que sont
atrophiés ses attributs d’abeille mâle. Il n’est donc tout au plus
que ce que l’on pourrait appeler un faux faux-bourdon. Toutes les
abeilles autour de lui néanmoins, aveuglées par son apparence
trompeuse, le prennent pour une reine.
À vrai dire, la seule reine de cette ruche en délire n’est autre
que la Divine mais elle non plus n’a pas pris conscience de sa
véritable identité, car elle n’a pas encore goûté au délice de la
gelée royale. Elle ne se prend pour l’heure au mieux que pour une
bien mignonne petite ouvrière, roborative et mielleuse à souhait
(… il est vrai que dans le développement des abeilles, de l’état
larvaire ou de nymphe à celui d’insecte abouti, la différenciation
entre la reine et l’ouvrière ne survient qu’assez tard !).
La monstruosité relève donc bel et bien ici de ce qu’il est
convenu d’identifier à une imposture : un faux-bourdon à
l’identité douteuse se prenant pour une reine, se gorgeant de la
gelée royale normalement réservée à la reine de la ruche. Pour
sûr, le drame éclatera quand, après s’être ainsi repu à l’insu de
tous de la précieuse gelée et après avoir subi les assauts des
faux-bourdons tous dards derrière, sa pseudo-fécondité se verra
confondue, quand donc à l’issue des vingt-jours de gestation ne
sortiront des alvéoles que pucerons ou punaises, elles-mêmes
nourries du miel dont on les aura généreusement gavés.
Alors le plus mâle des faux-bourdons, le seul qui depuis le début
avait reniflé le pot au miel, découvrira-t-il enfin l’identité de
la seule et véritable reine, de sa chère Divine, et la
fécondera-t-il hardiment, reléguant l’ensemble de la ruche,
ouvrières et faux-bourdons confondus, au rôle de spectateurs ébahis.
Mais peut-être sera-t-il alors trop tard ! Car déjà la f(r)elonne,
la plus terrible des prédatrices de l’abeille, est là, qui tente
de s’introduire dans la ruche pour y dévorer l’ensemble de la
colonie, se régalant au passage du peu qui sera resté de la
délicieuse gelée royale.
Quant au faux faux-bourdon, tout confus, sans doute se
cherchera-t-il une autre ruche, ailleurs en Wallonie picarde !
1 commentaire:
SUPER! Trop Fort...:)
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